Le bénévolat, école du don de soi et ciment social
« Le don de soi est une notion que les Français chérissent particulièrement »
Après une brillante carrière d’ingénieur dans l’industrie en France et à l’international, François Bouchon, 73 ans, a été élu en 2021 président de France Bénévolat, réseau d’associations auquel appartient la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Sa mission ? Encourager le bénévolat, pilier du vivre-ensemble et de la bonne marche de la société. Propos recueillis par Raphaëlle Coquebert, pigiste.

François Bouchon
Qu’est-ce qui vous a conduit à la tête de France Bénévolat ?
Mes années de scoutisme entre 8 et 17 ans m’ont sensibilisé à l’importance du service de l’autre. Je m’y suis frotté concrètement au lycée, où nous étions poussés à servir les personnes fragiles, entre autres via la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Durant ma vie professionnelle, je n’ai guère eu le temps que d’être trésorier d’un club sportif. Une fois à la retraite, j’ai senti que j’avais encore de l’énergie à donner aux autres : un ami m’a entraîné dès 2018 à France Bénévolat, où j’ai vu que je pouvais me rendre utile.
À quoi se consacre cette association ?
D’abord, elle recrute des bénévoles pour tous les grands réseaux associatifs – par lesquels elle a été créée – et autres associations plus petites. Nous les recevons dans un de nos 250 lieux d’accueil et les orientons vers les missions vacantes les plus adaptées à leurs profils et à leurs attentes. Ensuite, nous sommes des porte-parole du monde bénévole auprès des pouvoirs publics. Enfin, selon nos capacités et les besoins des territoires, nous organisons des forums inter-associatifs, contribuons à des projets pour répondre aux problématiques de la France périphérique. Ici, nous essayons de proposer des missions aux titulaires du RSA (Revenu de solidarité active), là nous mobilisons l’ensemble du tissu associatif pour « aider les aidants ».
Comment se porte le bénévolat en France ?
Plutôt bien : le secteur associatif compte 13 millions de bénévoles. Seulement il est en pleine évolution : les moins de 40 ans s’engagent de plus en plus mais pour des actions ponctuelles et un volume horaire moindre que les seniors. Quand ces derniers s’investissent quelque part, ils ne sont pas avares de leur temps. Hélas, ils s’investissent de moins en moins ! En résumé, le bénévolat d’action est florissant alors que le bénévolat de responsabilité a du plomb dans l’aile. À France Bénévolat, c’est l’une de nos premières préoccupations.
Quelles sont les principales motivations des bénévoles ?
Se rendre utile à travers le collectif ! Que ce soit au service d’une cause (par exemple la protection de l’environnement) ou d’autrui, les gens ont besoin de « faire ensemble », de tourner le dos à l’individualisme pour retrouver du lien social. C’est pour cette raison qu’il faut prendre soin de répondre à ce besoin de liens : entre bénévoles mais aussi entre bénévoles et bénéficiaires. Quand ce lien fait défaut, la motivation s’essouffle. Ne perdons surtout pas de vue le sens que l’on donne au bénévolat.
Comment faire ?
France Bénévolat propose des outils pour définir le projet du bénévole, veiller à son intégration, lui témoigner de la reconnaissance, le responsabiliser aussi. Nous recommandons par exemple aux associations de signer une charte d’engagement réciproque : information et formation pour l’association, obligation de présence et de courtoisie pour le bénévole. Il faut aussi préserver l’espace de liberté du bénévole et s’assurer de son bien-être. Là, c’est du cas par cas. Certains se donnent à fond et s’en trouvent bien, d’autres s’épuisent et frôlent le burn-out. Aux responsables de stopper ces derniers dans leur élan pour les faire ralentir et les aider à prendre de la hauteur : le bénévolat ne doit pas se calquer sur le salariat, la rémunération en moins. Il est porteur d’un sens tout autre.
Quel sens dans un monde où la notion de gratuité est si malmenée ?
Le bénévolat est un acteur majeur du bon fonctionnement de la société : quand l’État fait défaut, qui prend la relève ? Les associations de bénévoles ! Quand il fait son travail, mais qu’il a légitimement besoin d’être secondé – car il ne peut répondre à tous les besoins –, qui répond présent ? Encore les bénévoles ! Leur rôle est essentiel pour la collectivité. Pour aller plus loin encore, leur engagement contribue à humaniser cette dernière. Le don orienté vers l’autre sans attente de retour est une notion philosophique très propre à la France qui nous entraîne loin du champ économique. En donnant de mon temps, je me tourne vers l’autre, si possible de manière collective. Mon rapport de moi à moi passe par l’autre par lequel je m’enrichis. Le bénévolat relève d’un registre autre que celui du donnant-donnant : il est de l’ordre de l’agapè amour altruiste
et désintéressé.
