Le beau scandale de la charité
« Pierre s’approcha de Jésus et lui demanda : 'Combien de fois devrai-je pardonner à mon frère s’il se rend coupable envers moi ? Jusqu’à sept fois ?' 'Non, répondit Jésus, je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.' » (Mt. 18, 22 – 23). Mais alors, qu’est-ce que le pardon ? Par Jean-Claude Peteytas, diacre vincentien

Renoncer à punir
Le dictionnaire, à la rubrique pardon ou pardonner, donne cette définition : renoncer à punir, à se venger, juger avec indulgence, en minimisant la faute de quelqu’un, excuser. Si l’on prolonge la lecture du chapitre 18 de saint Matthieu (verset 33), nous lisons « comme moi-même j’ai eu pitié de toi ». Ce « comme » nous dit qu’à l’évidence nous avons besoin nous-mêmes d’être pardonnés.
Il y a le parallèle entre le pardon accordé par Dieu et le pardon que nous accordons. Et, comme le souligne saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens (10, 13) : « Dieu est fidèle : Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces… » Ainsi Dieu s’engage avec nous dans l’épreuve (car pardonner est une épreuve) : nous ne sommes pas seuls !
Doit-on approuver ce qui a été fait ?
Pardonner ne veut pas dire que l’on approuve le mal qui a été fait. Pardonner n’est pas excuser. Mais il s’agit de ne pas garder rancune, de ne pas rester dans la haine. Car le non-pardon empoisonne la vie, alors qu’en pardonnant nous nous donnons la vie, nous nous libérons de la rancune, du ressentiment, de la colère refoulée et même de la rage silencieuse. Quand tu pardonnes, tu ne changes pas le passé mais tu changes assurément l’avenir. Si nous nous aimons nous-mêmes, il faut accepter de nous pardonner. Le livre du Lévitique (chapitre 19, verset 18) nous dit ceci : « Tu ne te vengeras pas et tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Pardonner ce n’est pas nier ou oublier. C’est faire une œuvre de vérité et de liberté. Considérons les mots de l’apôtre Jean : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous… » (Première lettre de Jean, chap. 1, 8–9) Soyons conscients d’une chose : le refus de pardonner est une source de stress !
Miséricordieux comme le Père
Saint Vincent de Paul nous encourage à vivre dans la miséricorde. Dans notre vie, comme il le dit « il y a de la paille et du bon grain. » Il sait la richesse et l’abondance de la miséricorde de Dieu. Et il nous dit que Dieu se met au travail dans l’âme qui le reçoit et qui s’ouvre à sa charité et à sa miséricorde. Il nous invite à « pardonner les offenses que les autres nous ont faites comme nous demandons aux autres de nous pardonner. » Nous avons, à la suite du Christ, à vivre son imitation, Lui qui est l’exemple suprême du pardon.
Finalement, pardonner est constitutif de la charité vincentienne. Pardonner, être miséricordieux peut parfois être ou apparaître comme scandaleux. C’est le beau scandale de la charité ! Dieu n’est pas le père fouettard mais le Dieu du pardon. Souvenons-nous de la parabole de l’enfant (ou du père) prodigue.
Les Béatitudes nous invitent à être des miséricordieux. Madeleine Delbrêl disait que « c’est par la miséricorde que Dieu nous arrache au néant et nous appelle à vivre ». Pardonner, c’est être miséricordieux, c’est vivre la bonté et, finalement, évangéliser et c’est aussi entrer dans la joie et la rayonner.
