Léa Salamé : «On ne parle pas assez des personnes âgées "

Léa Salamé

Léa Salamé, journaliste

Sur Konbini en avril dernier*, vous avez cité la Société de Saint-Vincent-de-Paul comme l’une des asso­­cia­­tions s’oc­­cu­­pant des personnes âgées isolées, une cause qui vous est chère. Quelle est votre histoire avec notre asso­­cia­­tion ?

Quand j’ai commencé à gagner ma vie, autour de la ving­­taine, j’ai voulu donner à des asso­­cia­­tions pour des causes qui me tiennent à cœur, dont celle des personnes âgées. Un ami m’a parlé de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. C’est ma première rencontre avec vous.

Pour quelles raisons cette cause vous touche-t-elle?

C’est un peu un mystè­­re…  Au lycée, lors d’une conver­­sa­­tion avec ma meilleure amie, celle-ci me disait être touchée par la situa­­tion des enfants malades. J’avais répondu : « les personnes âgées seules ». Je pensais peut-être à mes grands-parents qui vivaient au Liban pendant la guerre. Aujour­­d’hui, voir un vieil homme seul sur un banc, ou une dame âgée qui a du mal à descendre les marches de l’église, ça me boule­­verse. Je ne sais pas pourquoi je suis tant marquée par ces scènes.

Pensez-vous qu’on ne parle pas assez des personnes âgées?

On ne parle pas assez de la situa­­tion de nos vieux – je trouve ce mot plus beau que celui de « senior ». On a parlé de la crise des EHPAD, au moment de l’enquête de Victor Casta­­net [auteur du livre Les Fossoyeurs], quand on a décou­­vert comment on trai­­tait nos vieux. Je viens d’une culture orien­­tale : au Liban, on ne met pas ses parents dans les EHPAD. Les vieux, quand ils sont graba­­taires, restent chez eux. Peut-être que, dans les socié­­tés orien­­tales, on s’oc­­cupe mieux des parents et grands-parents quand ils vieillissent. Mais, c’est vrai que le monde occi­­den­­tal et le monde moderne font que tout va très vite… Je suis sensible à la situa­­tion de ces personnes âgées seules qu’on ne va voir qu’une ou deux fois par mois. Pendant le confi­­ne­­ment, je me souviens des témoi­­gnages boule­­ver­­sants sur France Inter, de ces personnes qui nous disaient se retrou­­ver seules, seules, seules ! Leurs familles oubliaient de les appe­­ler. Oui, je pense qu’il faudrait davan­­tage mettre la lumière sur ça.

Avez-vous déjà eu envie d’in­­vi­­ter sur France Inter un béné­­vole d’une asso­­cia­­tion pour parler de son action ?

C’est une idée : faire entendre un béné­­vole ou un aidant, je vais y penser. Lors des mati­­nales spéciales consa­­crées à la pauvreté, on a reçu les direc­­teurs de la plupart des asso­­cia­­tions cari­­ta­­tives. C’est le devoir du service public d’évoquer ces sujets : la soli­­tude, celle des personnes âgées mais aussi des adoles­­cents pendant le confi­­ne­­ment.

Quand on vous pose la ques­­tion, vous parlez de votre foi, est-ce aussi une façon de pouvoir évoquer le sort des chré­­tiens d’Orient ?

Oui, sans doute, c’est ma manière de parler de la situa­­tion alar­­mante des chré­­tiens d’Orient, même si je pense que mon devoir de neutra­­lité fait que je n’ai pas à prendre posi­­tion, car cette ques­­tion peut être prise en otage par des idéo­­lo­­gies que je ne cautionne pas. Les chré­­tiens d’Orient sont de moins en moins nombreux. Ils quittent les terres d’Orient, celles du Christ, et moi je viens de là, je ne l’ou­­blie pas. Mais oui, les chré­­tiens d’Orient sont maltrai­­tés. J’ai vu leur nombre dimi­­nuer, au Liban, les parents envoient les enfants à l’étran­­ger, ils ne reviennent pas. Cela m’at­­triste. Cet exode paraît inexo­­rable. On est depuis toujours sur cette terre. Au Liban, on peut aller à Tyr ou Sidon, où Jésus et les premiers disciples étaient. Ce serait triste qu’un jour on dispa­­raisse tota­­le­­ment de cette région.

Que vous inspire notre phrase d’ac­­croche : « être présent tout simple­­ment » ?

Cela dit tout, en une phrase. Elle est simple et elle claque. Bien sûr, il y a l’aide alimen­­taire, finan­­cière, c’est très impor­­tant, mais il y a aussi la parole qui guérit. Et le toucher. Parfois juste toucher la main… C’est ce que je faisais avec ma grand-mère, une figure très impor­­tante pour moi. À la fin de sa vie, on avait un système pour commu­­niquer : je posais des ques­­tions, elle répon­­dait en ouvrant ou fermant ses mains. C’étaient mes derniers moments avec elle.

Seriez-vous prête à parti­­ci­­per à l’une de nos actions, peut-on vous invi­­ter ?

Oui, avec plai­­sir.


*Small Talk sur Konbini

Propos recueillis par Valé­­rie-Anne Maitre, rédac­­trice en chef adjointe

 

La Société de Saint-Vincent- de-Paul au Liban

« J’étais au Liban, à Noël dernier, j’ai rencontré une bénévole qui est venue me parler de l’aide aux familles dans le besoin face à la crise actuelle. Elle m'a raconté comment les équipes de bénévoles apportent de l’aide, notamment de la nourriture puisque la crise financière est telle que les gens de la classe moyenne sont devenus très pauvres du jour au lendemain parce que l'argent ne vaut plus rien. Cette bénévole m’a expliqué veiller particulièrement à faire attention à ne pas humilier les personnes aidées. Ce n’est pas que de l’aide alimentaire, c’est un vrai lien avec les gens, un dialogue. »