Lourdes 2024 Jour #4 Chanter et jouer pour (se) révéler

Samedi 12 octobre, pour l’avant-dernier jour des Rencontres Natio­nales, plusieurs groupes ont présenté leurs projets créa­tifs. Du théâtre ou du chant pour (se) révé­ler et faire fruc­ti­fier ses talents. Par vam. Photos Cat Pham et vam.

La promesse du Vincen­tien

Pour la messe du matin, les parti­ci­pants aux Rencontres Natio­nales de la Société de Saint-Vincent-de-Paul arrivent par petits groupes à l’église Sainte-Berna­dette. Samedi 12 octobre, troi­sième jour de rassem­ble­ment, ils ont pris leurs habi­tudes, chacun trouve son banc, une place presque atti­trée, à côté des membres de son groupe régio­nal ou d’autres. On se salue, on se fait un petit signe et on sort le petit carnet pour suivre le programme. Les chants de louange commencent à être bien connus. Même les plus timides se lancent et lèvent les mains pour mani­fes­ter leur joie. 

Avant le chant d’en­voi, il est temps de renou­ve­ler une promesse : celle du Vincen­tien*. « (…) Je promets de placer l’amour et la charité comme règles fonda­men­tales de ma vie (…) » D’une seule voix, les béné­voles s’en­gagent à suivre la voie de leur fonda­teur, Frédé­ric Ozanam et son inspi­ra­teur, saint Vincent.

*sur­nom donné aux béné­voles de la Société de Saint-Vincent-de-Paul

Sur la scène, les talents se révèlent

En quelques minutes, l’au­tel et l’am­bon de l’église laissent place à une table fami­liale de salle à manger. Chan­ge­ment de décor sur le podium carrelé de l’église Sainte-Berna­dette. La troupe qui entre en scène est inter­gé­né­ra­tion­nelle, de 3 à 87 ans. « On s’ap­pelle des voisins », raconte Sophie Blan­din, char­gée de présen­ter le projet d’ha­bi­tat partagé qu’elle a lancé avec son mari Stanis­las il y a 5 ans après un passage à… Lourdes. Ce matin, c’est un retour aux sources pour le couple qui joue dans une ambiance joyeuse et une belle frater­nité, cette pièce de théâtre écrite spécia­le­ment avec les habi­tants de la maison. Filant la méta­phore de l’église, les comé­diens racontent la beauté de l’ha­bi­tat partagé. 

Le temps de chan­ger de décor, Gene­viève, de Char­lieu (Loire), présente un court-métrage sur son équipe. « Le semeur est sorti pour semer », c’est en s’ins­pi­rant de cette parole de la Bible que le réali­sa­teur a choisi de mettre en avant les actions des béné­voles. Ensemble, ils agissent, semant des petites graines de frater­nité pour rendre la société plus bien­veillante.

Et puis la troupe suivante s’ins­talle. Les spec­ta­teurs sont trans­por­tés dans un tribu­nal. C’est une histoire de procès, et le choix de la pièce n’a rien d’ano­din. On va juger Dismas, l’un des deux larrons cruci­fiés aux côtés du Christ. Sur scène ce matin, Dismas, c’est Patrick, 62 ans, un ancien détenu et membre de la Frater­nité du Bon Larron. La struc­ture (liée à la Société de Saint-Vincent-de-Paul) accom­pagne les personnes à leur sortie de prison pour faci­li­ter la réin­ser­tion. « Aujour­d’hui, je vis ma vie, j’ai une compagne mais je conti­nue de venir à la Frater­nité, je rends des services. Je fais partie de la famille. » Pour la première fois de sa vie, Patrick a fait du théâtre. Quatre répé­ti­tions et le voilà, juché sur une chaise, les bras en croix, peinant sous la souf­france et prenant la défense Jésus. A sa sortie de scène on lui pose la ques­tion : a-t-il eu le trac ? Il sourit et désigne le ciel du doigt « Si ! Mais l’Es­prit-Saint était là pour me faire dire mon texte au moment précis ! » Quelques minutes plus tôt, Jésus – enfin l’ac­teur incar­nant le Christ – le regar­dait avec tendresse : « En vérité, je te le dis, aujour­d’hui tu seras avec moi dans le Para­dis. » (Lc 23, 39–43) Patrick-Dismas aime­rait que le public pose sur les anciens déte­nus d’aujour­d’hui, le même regard que Jésus il y a 2000 ans sur ce bon larron. « Avant tout, ce sont des hommes qui veulent juste se recons­truire. »

Troi­sième montée en scène. Le public ne faiblit pas et encou­rage le groupe qui s’ins­talle. Le micro fait encore des siennes. « Ave, ave, ave… » entonne les spec­ta­teurs pour patien­ter tandis qu’on règle le piano élec­trique. Et puis ça y est, le groupe du Café Musique de Créteil se lance. Juste avant le déjeu­ner c’est musiques du monde. Sous la direc­tion de Sandrine, le chœur chante donc, mais seule­ment avec la voix. C’est tout le corps qui parle : batte­ments de main, claque­ments de doigts. Pour finir, Sandrine propose un chant haïtien. En quelques minutes elle donne les consignes à la salle : les mains devant, on agite les doigts. Studieux, le public écoute et répète. « Mani­ma­ni… » Sandrine retourne au piano « Main­te­nant, chacun chante comme il peut ! » Chacun s’ap­plique et c’est parti ! Les spec­ta­teurs se sont peut-être décou­verts capable de chan­ter en chœur. « Je suis ravie d’avoir chanté avec le public » s’ex­clame Emanuela, membre du Café Musique. Ravie aussi d’avoir montré cette initia­tive, un peu diffé­rente de l’aide alimen­taire ou la visite à domi­cile, néces­saires bien sûr, mais « chan­ter, cela donne de la joie aux gens ! » A ses cotés Sabine, toute aussi émue, confie  « ce qui est vrai, c’est que les talents se mani­festent quand on les pratique ! Tu vois, on a parfois en nous des talents qu’on ignore. Mais on a des occa­sions et ça se déve­loppe et alors on comprend que oui, on a des talents ! » 

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Visi­ter, photo­gra­phier, maga­si­ner…

A Lourdes, certains passages sont presque obli­ga­toires. La Grotte bien sur. Et puis la visite dans la ville : le cachot, le château… Diffi­cile aussi de résis­ter devant les étals des boutiques de souve­nirs qui proposent divers articles forts utiles au pèle­rin. Para­pluie, chapeau de pluie, cape, lainage des Pyré­nées, bérets, produits régio­naux et vin local… A Lourdes, évidem­ment, l’ar­ticle incon­tour­nable c’est la bouteille desti­née à recueillir l’eau de la source. Petite, grande, en bidon, en forme de vierge en plas­tique… toutes les tailles s’en­tassent dans les corbeilles des devan­tures. Entre deux acti­vi­tés, les parti­ci­pants aux Rencontres prennent le temps de passer dans les boutiques. Une séance de maga­si­na­ge* pour faire le plein de chape­lets, médailles ou même de petites (et grandes) statues de la vierge. « Attends, je l’ap­pelle pour savoir quel modèle elle préfère. » Au retour, les présents soigneu­se­ment choi­sis orne­ront les coins prières des maisons amies, souve­nirs précieux d’un passage dans la cité mariale.

*shop­ping ou faire les maga­sins en québé­cois

Dans le groupe What­sApp des jeunes, il était ques­tion d’une photo de groupe. Une autre, en plus de la très grande géné­rale. Leur photo, spéciale, pour se souve­nir aussi, de cette belle rencontre. Le rendez-vous ? A la Vierge couron­née forcé­ment. Un point de rallie­ment central et simple à trou­ver. Un, deux, trois… Souriez ! Parta­gez ! 

A Lourdes, le docteur ne soigne pas

Début d’après-midi, rendez-vous histo­rique. Le docteur Ales­san­dro de Fran­cisci, direc­teur du Bureau des consta­ta­tions médi­cales de Lourdes donne une confé­rence sur son illustre prédé­ces­seur : le Dr Dunot. Membre de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (il ouvre d’ailleurs une Confé­rence), est le fonda­teur du Bureau. Décédé en 1891, il est enterré dans le cime­tière de la ville.

Aujour­d’hui, le Dr de Fran­cisci est le 15e occu­pant des lieux. « Je suis un méde­cin inutile, raconte-t-il à une assem­blée capti­vée. D’or­di­naire, on va voir le méde­cin pour deman­der un conseil, une aide. Moi, on vient me voir pour me dire qu’on est guéri ! » A travers son inter­ven­tion auprès des parti­ci­pants aux Rencontres Natio­nales de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, le Dr de Fran­cisci évoque son atta­che­ment person­nel à la famille vincen­tien­ne*. Et demande au président natio­nal, Serge Castillon, un coup de pouce pour faire ériger un monu­ment près du Bureau des consta­ta­tions médi­cales, histoire que la mémoire de ce Vincen­tien histo­rique soit hono­rée comme il se doit. A ses côtés, le père Andrea Brus­to­lon, auteur de la biogra­phie sur le Dr Dunot a répondu aux ques­tions des parti­ci­pants.

*Ensemble des mouve­­ments, asso­­cia­­tions et congré­­ga­­tions inspi­­rées par l’œuvre de saint Vincent de Paul, dont fait partie la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

Voir la confé­rence

Une soirée pour révé­ler ses talents

Le programme annonçait « table ronde ». En réalité, il n’y avait pas de table. Surtout, la rencontre n’avait rien à voir avec les échanges poli­cés et un peu distan­ciés des rassem­ble­ments de mouve­ments ou asso­cia­tions. Ce samedi soir, six personnes accom­pa­gnées par des équipes locales de la Société de Saint-Vincent-de-Paul échangent avec amitié et simpli­cité sous la conduite bien­veillante de Béren­gère et Didier Decau­din, anima­teur de la Commis­sion spiri­tuelle. Peu à peu, chacun révèle au public son talent. C’est Patrick, d’Auxerre, qui raconte comment il a peint un tableau inspiré d’un séjour à Lourdes. Domino, elle, rêve d’être comé­dienne. Alors, ce soir, elle se lève et entonne pour l’as­sis­tance, une chan­son de sa région. « Je la connais depuis que je suis petite. Je la chante même en faisant le ménage. » Annie aussi, elle aime chan­ter. « Mais je suis timide. » Un peu cachée sous son chapeau noir, elle n’ose pas. Accom­pa­gnée par Didier, elle finit par se lancer sur du Johnny. Encou­ra­ge­ments du public qui chante le refrain de Gabrielle avec elle. 

Puis vient le tour de Fatouma, qui vient de confier qu’elle fait du théâtre, à Limoges. Pour­rait-elle inter­pré­ter un extrait? Elle bondit sur ses pieds, évidem­ment qu’elle jouer ! Même si « c’est dommage, je n’ai pas mes acces­soires ! » Ce soir, Fatouma fait le show et emmène le public médusé avec elle dans les rayons d’un super­mar­ché. Hilares, les spec­ta­teurs s’amusent tandis qu’en régie, on a du mal à faire suivre la lumière sur la comé­dienne qui bondit sur les marches, file dans le public avant de remon­ter sur scène. Fin de l’acte, ovation pour Fatouma qui confie qu’elle aime beau­coup… danser ! Si on avait le temps, elle ferait bien la démons­tra­tion de son talent…

Ensemble, parta­ger ses talents !

Voilà, c’est fini… Le moment de conclure. « Alors, on les a faites ces Rencontres Natio­nales ! » s’en­thou­siasme Serge Castillon. Le président natio­nal de la Société de Saint-Vincent-de-Paul remonte le fil des ces trois jour­nées riches de rencontres frater­nelles, d’émo­tion et de créa­ti­vité parta­gée. « Tous ces artistes, personnes rencon­trées et béné­voles, nous ont fait entrer dans leur univers pour nous montrer comment voir le monde avec frater­nité, comment voir le beau là où on ne le soupçonne pas. » Ensemble ils ont osé « faire, parta­ger, avoir confiance dans l’autre, c’est ce que le Christ attend de nous. »

Serge Castillon insiste aussi sur la vita­lité du réseau, révé­lée par la réus­site de ces Rencontres Natio­nales. « Elles montrent que Chemin du Renou­veau est en route. En rentrant chez vous, en métro­pole et en outre­mer, avec Marie dans votre cœur, portez chez vous le Chemin du Renou­veau de la Société de Saint-Vincent-de-Paul ! »

Dimanche matin, après l’ul­time messe concluant ces Rencontres, chacun aura sans doute en tête les mots de Franck, l’un des acteurs de la troupe Spec­ta­cu­laires de Siste­ron. « Je repars avec quelque chose de Lourdes dans le coeur, j’es­père que ça va rester le plus long­temps possible ! »

Le vlog d’Agathe Rodrigues